vendredi 1 février 2013

"RESEAU BI", le marché à puces et à portables des jeunes lougatois

Avec la crise de l’emploi, c’est le système « D » (Débrouillardise) dans la capitale du Ndiambour. Pour sortir de la galère, les jeunes qui ont préféré tourner le dos aux pirogues, ont investi un nouveau créneau : la vente de puces et de téléphones portables. ILS sont environ plus de deux cent jeunes à squatter tous les jours, le jardin public octroyé par la mairie, transformé en un véritable marché, appelé « Réseau Bi », où ils mènent de façon saine leur activité économique...


Scène de marchandage à la sénégalaise pour acheter un téléphone portable. Un adulte âgé de plus de cinquante ans, entouré de trois jeunes, négocie le prix d’un portable double puce. « Je ne peux pas payer 30 000, c’est cher, toi aussi », lance-t-il. Pour le principal vendeur, le prix est abordable, parce que, selon lui, c’est une marque de qualité. Ainsi, va la vie quotidienne du jeune Bara Niang.
Comme la plupart des jeunes de son âge, il fréquente, depuis maintenant plus de trois ans, le site. Un espace public, mais pas n’importe le quel. IL s’agit d’un jardin public, situé à la hauteur du passage à niveau, à proximité du village artisanal de Louga. Ce jardin que la mairie a octroyé aux jeunes est transformé en un véritable marché pour la vente de téléphones portables de puces, de matériels informatiques et autres accessoires.
Des tables par ci, des tabourets par là, des étagères par ci, le décor du milieu suscite beaucoup de curiosité. Le coin est connu de tous, même pour un étranger qui débarque dans la ville. Car il lui suffit simplement de demander un lieu pour acheter un portable, pour qu’il soit orienté vers ce milieu communément appelé « Réseau Bi ». Au départ, l’activité était menée en pleine rue
Le maître des lieux, Pape Sène, la cinquantaine d’années révolues, nous accueille pour nous installer sur un des bancs publics. « Bienvenue au Réseau Bi », nous lance-t-il. L’homme qui est plus âgé que tous ces jeunes qui fréquentent le milieu, est le président du Gie « Réseau Dolel Louga ». La structure portée sur les fonds baptismaux en 2009, regroupe une vingtaine de jeunes qui ont embrasé ce métier, tous des « débrouillards» qui vendent des téléphones portables et des puces au niveau de ce quartier général qui refuse du monde tous les jours. C’est cette structure qui a en charge la gestion du jardin.
Revenant sur le processus qui a amené ces jeunes vendeurs de portables à s’installer sur cette place publique, Mr Sène explique qu’au début, la vente se faisait en pleine rue. En effet explique-t-il, ces jeunes occupaient de façon anarchique la voie publique, depuis des années, pour exercer ce commerce de portable. L’activité se déroulait dans les temps sur l’avenue de la gare, entre le commissariat de Police et la Boulangerie Cheikh Amadou Bamba. Seulement, souligne Pape Sène, le développement de ce petit commerce sur cette principale avenue, avait fini par créer un encombrement monstre de la voie publique, à tel point que la mairie a décidé en fin 2009, de déplacer les jeunes en leur octroyant ce jardin public, loin des tracasseries policières.
Les jeunes gagnent bien leur vie Ici, des jeunes âgés entre 17 et 35 ans et même plus, gagnent quotidiennement leur vie sur place, en vendant des téléphones portables de toutes marques, du matériel informatique, des puces et d’autres accessoires. Ouvert le matin dès 8 h, le lieu grouille de monde jusqu’à des heures tardives de la soirée, parfois jusqu’à 23 heures. « Réseau Bi » est devenu par la force des choses, le lieu de convergence de tous les lougatois qui veulent acheter ou vendre un téléphone portable. « Nous avons aménagé ici pour gagner honnêtement notre vie. Au lieu de voler, d’agresser des gens ou faire autre chose, nous préférons acheter des portables pour les revendre et tirer les bénéfices qui nous serviront à se prendre en charge », explique Bara Niang. Le jeune homme de préciser qu’il a passé plus de deux ans sur cette place, et c’est pour travailler, à travers la vente de portables, de puces ainsi que des accessoires. Dans ce petit marché, il assure qu’il y en a de tous les prix.
Selon lui, les prix de vente des téléphones portables varient selon trois critères essentiels à savoir, leur marque, leur provenance et surtout leur état. « Les portables que je vends proviennent de l’Europe, des émigrés eux-mêmes, ou des membres de leur famille me les envoie pour que je l’ai revendent », a-t-il fait savoir. Avant de poursuivre que « parfois aussi, j’achète sur le tas des téléphones de nos sœurs et maman qui ne maîtrisent pas certaines marques de portables et qui préfèrent des portables simples et plus faciles à manipuler». Mr Niang qui fait de bonnes affaires depuis des années, refusent néanmoins de donner une idée de ses bénéfices. « Dieu merci, ce n’est pas miraculeux nos ventes, mais on en sort qu’à même », confie-t-il.
Son collègue Amadou Lô Sarr, alias « Pento », est lui, plus catégorique. « Vraiment ça va, ça marche vraiment bien, chaque jour, je rentre à la maison avec au moins 4000 ou 5000 francs », précise-t-il. A part, la vente de téléphones, « Pento » procède à des échanges moyennant quelques sous. « Parfois je donne un téléphone neuf, contre un téléphone déjà utilisé, mais moyennant une somme d’argent qui varie entre 10 et 15 000 francs.
Ces téléphones peuvent être vilains de l’extérieur, parce que sans un nouveau habillage, ou usés à cause d’une batterie morte. Mais pour moi l’essentiel, c’est que je n’y perds pas, il suffit que je remette un habillage neuf à 1500 francs et une batterie toute neuve à 2000 francs pour les revendre à bon prix », révèle-t-il. Pour lui, de toute façon il y gagne toujours. Mais à côté des téléphones, notre bonhomme vend également des appareils photos numériques et fait également des réparations de téléphones en panne.
Assainir le milieu Pour ce type d’activités, la principale crainte, sinon le risque majeur encouru, c’est de se retrouver coupable de recel. De l’avis de la plupart de ces jeunes qui veulent rester très prudents dans l’exercice de ce métier, parmi cette foule de personnes qui viennent faire des affaires, on peut y voir n’importe qui. « Parfois, il nous arrive de tomber sur des téléphones suspects, si ce n’est des gens qui ne nous inspirent pas confiance, qui veulent faire affaire avec nous.
Mais nous faisons dans la prudence », argue-t-il. Selon toujours Amadou Lô Sarr alias « Pento », des voleurs peuvent infiltrer le milieu pour vendre de la marchandise volée. Pape Sène, le capitaine des lieux, s’évertue à veiller tous les jours au grain, pour que l’endroit ne soit pas un lieu de recel où les voleurs viennent écouler leur butin. IL atteste tout de même de la bonne marche du lieu qu’il tente tant bien même d’assainir en surveillant les jeunes qui le fréquentent, en veillant sur leur identité, ainsi que l’origine de la marchandise qu’ils proposent. « Nous essayons à chaque fois, tant bien que mal, de contrôler les gosses, nous cherchons à mieux les connaître pour éviter qu’il expose les clients en leur vendant des portables volés pour les quels, ils peuvent être accusés de recel », indique-t-il. Dans ce cadre, poursuit-t-il, « nous collaborons avec la police qui souvent nous rend visite où nous interpelle en cas de déviance.
Parfois même quand, il y a des cas suspects qui suscitent une polémique, les gosses viennent me voir et c’est moi-même qui avise la police ». Mais pour lui, l’essentiel pour ces jeunes, c’est de pouvoir gagner honnêtement leur vie. « Dieu merci, jusque là tout se passe à merveille et les gosses s’en sortent bien, parce que la plupart d’entre eux, règle leur problèmes à partir d’ici et prennent bien en charge leur famille », se réjouit-il.
 A en croire Mr Sène plus deux cent jeunes fréquentent ces lieux. Certains ont décidé de tourner le dos à d’autres pratiques malsaines et d’autres ont renoncé à s’embarquer dans les pirogues pour aller en aventure pour ne jamais revenir chez leur famille. L’espace est devenu exiguë Le seul problème rencontré, c’est que le lieu qui est devenu exiguë, ne peut plus contenir et recevoir tout ce beau monde, tous les jours et surtout en période de fête où les gens marchandent même dehors, sur la chaussée, en obstruant la rue.
Pire, les vendeuses de café qui ont aménagé sur le site, quoique rendant un service aux jeunes qui travaillent dans le « Réseau » et leurs clients, occupent une bonne partie de l’espace. Ainsi, selon lui, l’idéal serait que le site soit délocalisé encore, ou à défaut que la mairie réaménage et réorganise l’espace en y créant de petites cantines et surtout des toilettes. « IL y a une toilette, mais ce n’est pas fonctionnelle faute d’eau », précise-t-il.
Avant d’expliquer que son Gie qui cherche une solution à ce problème, est mis en contact avec des partenaires, notamment certains opérateurs mobiles, par la mairie. Mais ces derniers tardent à réagir pour assurer un accompagnement du développement de cette activité économique menée par les jeunes. Des jeunes, aujourd’hui, plus que jamais déterminés à sortir de la galère, et qui souhaitent d’être davantage aidés par les autorités.
                                                                                                                                             Mbengusta

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